Par Dr. STRUL Salomon
C’est une question qui peut sembler curieuse à première vue et un peu simpliste pour les initiés, mais qui mérite une étude plus minutieuse. Elle permet de répondre à plusieurs questions qui se posent en science et dont les réponses sont ambigües ou évasives.
Le sans est un organe de pratiquement tous les êtres vivants qui sert à apporter à chaque cellule l’oxygène, les éléments nutritifs et emporter les déchets ainsi que le CO2.
Il est constitué de deux constituants principalement : les éléments figurés c’est à dire les cellules et le liquide dans lequel baignent toutes ces cellules, c’est-à-dire le plasma.
Les éléments figurés sont élaborés principalement dans la moelle osseuse. Tant que l’animal (y compris l’homme) est jeune, l’ensemble de l’os est hématopoïétique. Avec l’avancée en âge, la diaphyse des os longs se rempli de moelle graisseuse mais les épiphyses (extrémités) restent actives et continuent à fabriquer des cellules sanguines. Remarquons que du point de vue embryologique, les os et les cellules du sang dérivent des mêmes cellules souche embryonnaires, mésenchymateuses. Dans certains cas, en général pathologiques, des cellules hépatiques et le tissu réticulo-endothélial (ganglions, rate, etc…) peuvent se coloniser d’îlots hématopoïétiques.
En fait nous nous intéresserons surtout à l’origine du plasma, c’est-à-dire du liquide dans lequel baignent les cellules du sang.
Nous allons nous occuper surtout de l’homme adulte mais la transposition aux autres mammifères est aisée. Les notions dont nous traiterons sont valable aussi pour les invertébrés.
Un individu adulte possède environ 5 litres de sang. Ce fluide est crée en permanence est évacué en permanence. Il est donc en équilibre hydrodynamique de telle sorte que le volume reste à peu de choses près, constant.
Le plus important pourvoyeur du sang est l’intestin avec l’ensemble du tube digestif. La paroi du tube digestif a une sélectivité variable et est parsemée de pompes et de canaux qui apportent du liquide et des substances nutritives vers les vaisseaux qui irriguent l’ensemble de la paroi de l’organe.
Mais les substances qui arrivent du tube digestif ne sont pas toutes bien venues !
Il faut donc trier et traiter les substances nocives ou qui sont impropres à la circulation sanguine. La nature a donc crée un système de traitement des substances nouvellement arrivées, solides ou liquides en les faisant passer par un filtre hautement actif et très sélectif, le foie. Ce système porte le nom de système « porte » ou « portal ».
Notons que le foie ne filtre que le sang qui arrive de l’intestin, entre l’estomac et le rectum. Le sang qui charrie les substances venant de l’estomac et du rectum contourne le foie et n’est donc pas détoxifié ! Un médicament que l’on met sous la langue ne passe pas par le foie !
Comme corolaire, les substances arrivant par l’estomac, de petite taille moléculaire, passent directement dans la circulation générale et peuvent avoir des effets nocifs sur l’organisme. L’exemple le plus connu est l’alcool éthylique, petite molécule s’il en faut ! Ce phénomène explique pourquoi l’ivresse à l’alcool vient rapidement lorsque l’on est à jeûne et nettement plus tardive lorsque l’on a consommé surtout des plat oléagineux (par exemple des olives). En effet, les corps gras, couvrent l’estomac d’une pellicule d’huile qui retarde la pénétration d’alcool dans le sang et l’oblige à passer vers l’intestin où il sera traité par le foie et détoxifié. L’eau, très petite molécule, est aussi résorbée directement au niveau de l’estomac, selon la quantité ingurgitée.
Ce phénomène, si curieux que cela semble peut s’avérer lui-même nocif !
Il existe en psychiatrie une affection, heureusement rare, appelée potomanie. Les individus atteints ingurgitent des quantités d’eau bien supérieures à celle des hommes normaux. Un individu en bonne santé ingurgite et excrète en une journée environ 1,8 litres de liquide, majoritairement de l’eau. Un potomane peut aller allégrement à 4 voire 5 litres d’eau. Cela est particulièrement dangereux !
En effet, l’eau pure qui arrive dans le sang, dilue le plasma et crée par effet osmotique un gonflement des globules rouges principalement remplies d’hémoglobine, protéine qui transporte l’Oxygène et le CO2. Les globules finissent par éclater et libèrent l’hémoglobine dans la circulation. Cette protéine est hautement toxique pour les reins et précipite sous forme de cylindres dans les tubules rénaux les bloquant dans leur fonctionnement.
Nous pensons que de façon déterministe, la nature a décidé d’enfermer l’hémoglobine dans des globules rouges pour éviter la toxicité générale, tout en bénéficant de ses qualités dans le transport de l’oxygène et du CO2.
Paradoxalement, le potomane finit avec une insuffisance rénale grave pouvant nécessiter la néphrectomie et la dialyse.
Par ailleurs, le cœur normal, pompe habituellement 5 litres de sang. Chez le potomane, il peut devoir pomper transitoirement 7-8 litres de liquide et peut décompenser !
Notons que si le volume de sang dépasse les 5 litres, l’oreillette du cœur secrète une hormone diurétique qui impose l’évacuation par le rein du surplus de liquide.
Un problème qui est abordé à ce stade est celui de la déshydratation. Que faire en cas de déshydratation, c’est-à-dire en cas de perte de liquide pour des raisons diverses telle que l’insolation, l’hémorragie, les diabètes décompensés, etc. Apporter de l’eau par perfusion est particulièrement dangereux, voire impossible puisque les liquides à perfuser doivent être isotoniques pour éviter l’hémolyse et surchargent le cœur. Les personnes les plus exposées sont les jeunes enfants et les vieillards.
La seule bonne façon de réhydrater un patient et de le faire par voie orale, l’intestin se chargeant de la distribution correcte de liquide dans l’organisme.
Mais il existe une autre forme d’apport de liquide dans l’organisme qui est une façon indirecte, identique à celle utilisée normalement pas les animaux qui sont confrontés à l’absence d’eau (animaux vivant dans le désert) ou les chameaux !
En effet, il existe dans le public une idée absolument fausse, que les chameaux peuvent accumuler de l’eau dans la paroi spongieuse de leur estomac, ce qui leur permettrait de consommer l’eau à postériori dans le désert !
En réalité le chameau a un estomac de 4 poches comme tout ruminant sans paroi spongieuse.
Le secret du chameau réside dans sa bosse !
En effet une bosse de chameau moyen peut peser entre 35 et 40kg. La bosse est constituée de graisse brune, c’est-à-dire une graisse à haut taux de régénération, de formation et destruction rapide, accumulant et libérant de l’énergie rapidement, contrairement aux graisses blanches qui constituent des réserves énergétiques à long terme. On voit un chameau repu à la dureté de sa bosse. Si elle est flasque, l’animal doit être nourri. Avant un voyage de longue durée dans le désert, l’animal mange des grandes quantités de nourriture qui remplissent la bosse de graisse brune.
Un litre de graisse brune par combustion biochimique libère 9 litres d’eau !
Une bosse de 40kg peut libérer 360 litres d’eau. Donc l’animal en 40kg de graisse possède une réserve d’eau potentielle de 360 litres d’eau utilisable lors du voyage dans le désert.
Pour réhydrater une personne âgée il faut donc lui faire manger du gras, par exemple une boite de sardines de 100g, apporte environ un litre d’eau !
Nous continuons donc notre voyage dans le sang.
L’excédent du volume de sang est éliminé par filtration dans les reins. Mais le sang parcourt l’ensemble du corps d’un individu. Il y a très peu d’organes dans le corps humain (et des mammifères) qui ne soit pas vascularisé. Ce sont les cartilages, les corps vitrés, les cornées et les cristallins et en général les organes qui doivent rester transparents. Tout le reste de l’organisme (y compris et surtout les os) est vascularisé.
A ce stade, nous émettons un postulat qui nous semble évident : Toute cellule de l’organisme est obligatoirement, en même temps une glande endocrine !
En effet, une cellule doit communiquer avec les cellules voisines et la communication ne peut se faire que par la sécrétion de substances chimiques dont les voisines prennent connaissance. Ces substances « intermédiaires » passent par le liquide extracellulaire mais surtout par le sang, donc ce sont des hormones par définition !
En fait, toutes les cellules de l’organisme à quelques exceptions près contribuent selon leur volume à alimenter le sang par les hormones et les déchets qu’elles y déversent.
On peut donc dire que le sang est un organe, fabriqué en permanence dans tout l’organisme !
Corolaire, le sang, vu son ubiquité, est sans aucune discussion possible, l’organe le plus important de tout l’organisme.
Chez l’embryon, tant que le nombre de cellules est réduit, les cellules vivent par imbibition à partir du milieu extracellulaire dans lequel elles baignent. Si des cellules sont privées de l’imbibition, le système circulatoire apparait et en premier lieu l’aorte primitive et la veine cave qui engendreront plus tard l’ensemble du système circulatoire. A partir de ce moment, l’ensemble des organes de l’embryon peut commencer son développement et la vie continue !